Thursday, July 12, 2012

GOUVERNEMENT MIXTE (II)
"...the impulse and sympathy of the passions" — James Madison

AM | @HDI1780

Pourquoi Diderot modifie-t-il le texte de Deleyre sur le gouvernement mixte ? [voir]. Voici une hypothèse: les années 1775-1777 accelèrent l'avènement d'une nouvelle culture politique — le républicanisme. La Révolution d'Amérique, la disgrâce de Turgot, la victoire de Saratoga (entre autres évènements), contribuent à l'essor de ce que l'Histoire des deux Indes appelle l' « esprit républicain » (HDI 1780, xiv.3). Cet esprit républicain ne s'oppose pas, bien entendu, à la nécessité d'une division du pouvoir (expression de Simone Goyard-Fabre).

Par contre, le découpage artificiel de la société est jugé incompatible avec la nouvelle culture politique. Les catégories grecques du gouvernement mixte —monarchie, aristocratie, démocratie— sont d'ores en avant considérées comme les reliques obsolètes d'un temps heureusement révolu. Il est fascinant de constater que les différentes éditions de l'Histoire des deux Indes, qui couvrent la décennie 1770-1780, enregistrent —par le biais de modifications plus ou moins subtiles [voir]— les progrès de l'esprit républicain. Voilà pourquoi Diderot réécrit le Livre XIX !

* * *

Prenons quatre lecteurs de l'Histoire des deux Indes: John Adams, Gaspar de Jovellanos, James Madison et Mariano Moreno. Les deux premiers se maintiennent fidèles à l'idée du gouvernement mixte; ils essuyeront de graves défaites politiques. Plus jeunes, Madison et Moreno se laissent entraîner par la foudroyante entrée en scène du républicanisme. Tous deux vantent le principal mérite du gouvernement mixte (la division du pouvoir), mais ils se gardent bien de mentionner ce que les Espagnols appellaient les « estamentos sociales ». Des génies politiques ! (*). J'aurai l'occasion de revenir sur Adams, Jovellanos, Madison et Moreno.

Je finis avec la magnifique lettre de Madison à Adams, qui — en 1817 ! — n'avait toujours pas saisi la portée des nouvelles idées:

The great question now to be decided, and it is one in which humanity is more deeply interested than in any political experiment yet made, is, whether checks and balances sufficient for the purposes of order, justice, and the general good, may not be created by a proper division and distribution of power among different bodies, differently constituted, but all deriving their existence from the elective principle, and bound by a responsible tenure of their trusts.

(*) En 1787-1788, Madison parle encore de mixed government, mais entre les États et le gouvernement fédéral. Quant à Moreno, il évite soigneusement les termes « monarquía » et « aristocracia » [voir].
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